INEDITS
A MON PERE POUR SES 80
ANS
Casqué d'argent, droit comme un chêne
Que rien n'a jamais ébranlé,
Tu portes la jeunesse reine
Sur ton front à peine étoilé.
Ainsi l'oiseau du millénaire
Porte-t-il le cheval volant,
L'esprit soutenant la matière
Et l'amour plus fort que le vent.
Je le connais l'oiseau timide
Qui t'a soulevé chaque jour.
Il a l'oeil vert, le coeur sans ride
Et les deux ailes de l'amour.
Je te connais, toi, mon sauvage,
Cheval cabré sous l'ouragan.
Tu caches tes remous d'orage
Mais ton masque m'est transparent.
Toi, la bonté, la force frêle,
Tendresse qui lutte et se tend,
L'équilibre léger d'une aile
A suspendu pour toi le temps.
Quatre vingt fois la même tige
A donné ses rameaux d'argent,
Un envol d'abeilles voltige
Autour de quatre vingt printemps.
Dette
11 avril 1982
PHOTOGRAPHIE
Deux visages... toute une vie.
La main de l'Ange est sur ton coeur,
Elle protège, elle irradie
L'amour qu'elle porte en majeur.
C'est en mineur que ton visage,
Bouleversant, bouleversé,
Répond au lumineux message
De l'Ange au sourire qui sait.
Qui sait, sous la froide maîtrise,
Trouver la chaleur de l'instant
Et la faille où l'acier se brise
Pourpre dans le creuset du temps.
LES NAULETS D'ANJOU
(en forme d'acrostiche)
Longtemps
j'avais rêvé d'un village bleuté
Et d'un ciel plein d'émaux, de calme
et de silence,
Source d'oiseaux bavards, d'abeilles et
d'été.
Naulets
d'Anjou blottis dans vos fines faïences
Auriez-vous le pouvoir d'attirer
jusqu'à vous
Un instant de beauté comme un cadeau
de reine ?
L'hôtesse-tisserande avec son fil si
doux
Enchante le regard en camaïeux de
laine
Tandis que le palais, comblé de dons
divins,
S'émerveille et ressent saveur et
gratitude.
Dispersés
avec art, les tableaux angevins
Accueillent
au détour des murs blanchis et rudes.
N'est-ce point la maison du miracle
amical ?
J'avais longtemps rêvé cette
impossible quête
Où l'art et la matière expriment
l'idéal
Unis dans un envol de musique et de
fête.
POUR ARAM
Plus d'un demi-siècle en arrière
Sous le soleil de Golfe-Juan
Je vis surgir dans la lumière
Un marin sous son béret blanc.
J'avais dix ans et lui le double.
J'étais petite, il était grand
Et je sentis le premier trouble
M'envahir comme un océan.
Les ans ont dévidé leur trame
Sur le duo des quatre mains.
Rien n'a changé malgré les drames,
Restent l'enfant et le marin.
ETRE DEUX
Pour Axel et Virginie
Etre deux c'est marcher tout au long du
chemin,
C'est poser un front las au creux d'une autre épaule,
C'est rire au même instant d'une remarque drôle,
C'est hésiter parfois, mais la main dans la main.
Etre deux c'est entrer dans une
cathédrale,
Ecouter le grand orgue et le silence lourd
Qui suit l'ultime accord. C'est entendre l'amour
Chanter quand tout se tait dès que la nuit s'installe.
Etre deux c'est la vie aux portes de
demain,
C'est l'appel de l'aurore à l'heure où l'on s'éveille.
C'est un hymne porté par des milliers d'abeilles,
L'avenir qui s'écrit au fil du parchemin.
Etre deux c'est pleurer avec les yeux de
l'autre,
Penser la même chose et n'être qu'un regard
Pour découvrir l'étoile au gré de ses hasards.
Etre deux c'est vous deux, et votre amour le nôtre.
10 avril 1987
A RAPHAËL "IN
UTERO"
avril 1991
Raphaël,
je t'ai vu dans ton berceau marin
Avec autour de
toi des grottes et des vagues.
Petit d'homme qui
dors au coeur de ton écrin
Harmonie est ton
nom. Tu flottes, tu divagues
Au fond du ventre
chaud où tu tournes cherchant
En quel abysse
bleu tapissé d'or et d'algues
Le plongeur
sortira le jour du premier chant.
AUX MARCHES DU PALAIS
Aux marches du palais, tu m'as tendu les
bras.
Ils vibrent sous l'envol des bémols et des dièses
Dont tu viens de nimber l'opale de l'aura.
Point n'est besoin de mots pour faire l'exégèse
De ce que tu connais ou devines de moi.
Tout ce qui chante encore au soleil de mes rêves
Tu l'as fait resurgir entre cuivres et bois
Dans cette symphonie où mes amours s'élèvent.
Aux marches du palais, je vais pouvoir
bientôt
Entendre crépiter le sistre des cigales
Sur les quatre saisons de leur bleu concerto
Et peut-être demain monter jusqu'aux étoiles !
20 août 1991
LAPRES-SILENCE
Mon silence est tombé pour toi des
stalactites
Ces javelots de glace enfoncés dans la nuit.
Devant la page blanche on se sent si petite,
On trébuche aux lacets de lencre qui senfuit.
Mon silence est tombé sans bruit comme une feuille.
Il roule dans les mots en vertige doiseaux.
Il faut crever le mur que ma mémoire endeuille,
Revenir au soleil et bercer mes roseaux.
Donner le coup de pied au fond du lac de givre
Pour remonter enfin vers les tièdes printemps.
Au nom de ton amour accepter de revivre,
Aux plis de tes cheveux épingler mes instants.
Pour toi mon cur en berne ouvre son coquillage.
Entends chanter la mer en sa conque de gel
Et tout lamour de toi le long de cette page.
Mon silence est tombé comme neige à Noël.
Odette Casadesus
11 avril 1989
JE NE VEUX PAS VOIR L'AN
2000
Je ne veux pas voir l'an 2000
Ni périr la dernière fleur.
Je veux respirer dans ma ville
Le parfum d'un petit bonheur.
Mon fils, tu verras l'an 2000.
Son apocalypse de fer
Engloutira la dernière île
Sous la vague hurlante des mers.
Avant le grand éclatement
Je ne veux pas voir l'an 2000
Emporter le dernier oiseau
Et recouvrir son chant fragile
Des hurlements d'un orgue faux.
Mon fils, tu verras l'an 2000.
Si le temps t'est donné d'ouvrir
Tes yeux sur ce monde imbécile
A cet instant sans avenir.
Je ne veux pas voir l'an 2000
Ni ton dernier étonnement
Avant le grand éclatement
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