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ASTRAGALES

avec un avant-propos de Paul Fort
Editions La Goélette 1953

 

Illustrations : Hélène Perdriat

 


 


A PAUL FORT

Prince, est-il vrai que Méphisto
Vous fit l'échange des richesses
Contre l'éternelle jeunesse
Qui pétille entre tous vos mots

Vous avez donc roulé le Diable
Puisqu'au tranchant de votre fer
Vous avez pris à Lucifer
Son titre de Prince et sa fable !

On entend votre esprit léger
Rire au soleil de nos provinces
Et Satan, bon diable et bon prince,
Renonce au prix de son marché.

Gardez votre âme inépuisable,
Car la jeunesse de vos yeux
Est une revanche des cieux
Votre Muse a vaincu le Diable !


ASTRAGALES

Les mots sont bâtisseurs de vastes cathédrales.
Ils jaillissent de l'âme et sont pétris de chair.
Leur flèche va percer les rêves de son fer
Et l'encre des grands mots ruisselle sur les dalles.

Arabesques des mots que l'Amour a dictés,
Vous sculptez d'infini les voûtes ogivales
Et votre cuivre éclate en joyeuses cymbales,
Mots d'amour et d'espoir sans fin ressuscités.

Vous montez votre garde, éternelles vestales,
Et quand l'ombre se glisse entre les feuillets blancs,
Vous demeurez debout, mots profonds et troublants :
Vous montez votre garde au ciel des astragales.

 


L'OISEAU

Je n'ai qu'un souvenir. Il palpite en ma chair
Comme un oiseau cloué sur la porte des granges.
Un souvenir vivant comme une fleur étrange,
Eclose dans mon coeur par une nuit d'hiver.

Mais l'oiseau torturé m'a donné son supplice.
Comme lui je frémis, comme lui je consens
A regarder glisser goutte à goutte le sang
Que fige l'espérance au long des plumes lisses.

Je n'ai qu'un souvenir, fragile, écartelé.
Il tourne sans répit dans ma nuit éternelle.
Il tourne éperdument avec un grand bruit d'ailes
Dans la nuit solitaire où tu t'en es allé.

Je veux anéantir ces clous rouillés qui gardent
Ma tendresse captive en sa prison de bois.
Mais je n'entends toujours au plus profond de moi
Qu'un rire un peu fêlé d'enfance qui s'attarde.


LES MAINS

Caravelles d'explorateurs
Sondant l'univers de leurs paumes,
Les mains déterrent les royaumes
De leur abîme de splendeurs.

Sous la caresse singulière
Des antennes de leurs cinq doigts,
L'âme s'infiltre dans le bois,
Le marbre livre son mystère.

Leur fougère d'os et de chair
S'imprime au bronze et le modèle
Et son frémissement martèle
Les ailes de jaspe de l'air.

En gestes précis, les mains jonglent,
Frôlant les steppes de la nuit.
Elles tirent de leur étui
Les flèches de nacre des ongles.

L'éclat volcanique du fer,
Le gel rugueux des porcelaines,
Sous l'empreinte des mains humaines
Jaillissent, nus, de leur enfer.

Mains de poète, mains magiques,
Mains rudes des grands bâtisseurs,
Vous façonnez l'âme et le coeur
Dans un ballet acrobatique.

La matière - acier, marbre ou bois -
Se cristallise et s'illumine.
La matière devient divine
Dans le blanc creuset de vos doigts.

 


LA FEMME

La femme, écrin de chair où l'âme sensitive
Accompagne le chant grave et fort de l'amour,
La femme a pour destin le grand exil des rives
C'est l'éternelle errante aux éternels retours.

Un sang bleuté palpite en ses poignets fragiles
Et, quand tu les meurtris, homme, entre tes deux mains,
Quand tu les tiens captifs, ces blancs oiseaux des îles,
Les sens-tu s'envoler vers d'autres lendemains ?

La femme, écrin de chair que le désir exalte,
Accomplit son destin sous le feu de ta peau.
Au fil sombre du temps, la femme est une halte.
Son rêve est innombrable et n'a pas de repos.

Et lorsque tu la prends sous ta caresse immense,
Tu possèdes son âme avec son corps raidi.
Le destin de la femme est d'aimer en silence
Pourquoi dire qu'on s'aime, alors que tout le dit ?

 


QUAND LE DORMEUR S'EVEILLERA

Quand le dormeur s'éveillera
De sa nuit sombre et vagabonde,
Il aura refermé ses bras
Autour de mes épaules rondes,

Quand le dormeur s'éveillera,
Grisé d'espoirs qui se confondent,
Contre son coeur il sentira
Frémir une présence blonde.

Mais quand le jour se lèvera
Comme un navire blanc sur l'onde,
Il sera seul entre ses draps,
Tout seul avec sa chair qui gronde.
Quand le dormeur s'éveillera
Le soleil lancera sa fronde
Dans ses yeux où palpitera
Le souvenir d'une seconde...

Quand le dormeur s'éveillera,
Faudra-t-il que je lui réponde
Qu'il tient captif entre ses bras
L'Amour qui dort au bout du monde ?

 


LE PASSE

Le passé n'est jamais éternellement mort.
Il dort au fond du coeur, sans rêve et sans visage.
Il suffit d'un parfum, d'un souvenir qui mord
Au creux tendre de l'âme, il suffit d'une image

Pour ressusciter l'heure et retrouver enfin
L'instant que l'on croyait enfui dans le silence.
Le passé n'est-il pas le compagnon défunt,
Le Lazare éternel de notre souvenance ?

Chaque homme porte en soi ses rêves les plus beaux
Et s'il fléchit parfois sous le poids de son rôle
C'est qu'il traîne avec soi le marbre d'un tombeau,
C'est qu'il porte sans fin son passé sur l'épaule.

 


LES ROSES-THE

Un coin de ton coeur m'a dicté
Ce tout petit rôle adorable
Qui s'épanouit sur la table
Dans l'infini des roses-thé.

Comme un rasoir tranchant et lisse
L'épine, cruel glaive nu,
Au creux des pétales charnus
Imperceptiblement se glisse.

Tu fis jaillir entre tes doigts
Une femme aux vastes prunelles
Où ton profil aimé chancelle
Comme le rêve né de toi.

Je suis pour toi l'enfant venue
Des profondeurs de son destin.
Ma robe d'aube et de matin
S'est accrochée à tes mains nues.

Je t'appartiendrai, mon été,
Et le petit rôle adorable
Scintillera comme le sable
Dans l'infini des roses-thé...

 


LE PRISONNIER

Ton rêve est infini parmi les murs étroits
Mais la révolte gronde et ta douleur blasphème.
0 mon tendre captif, de ton doigt maladroit
Tu déchiffres mon nom sur le sol rude, et blême.

Relève ton beau front ! Mon amour est plus fort
Que tous ces murs d'airain où l'âme ne sait lire.
J'irai de mes deux mains t'arracher à ton sort
Et vers la Liberté montera ton grand rire.

 


LA CLE

Elle gît dans ma main comme un lourd animal.
Son métal ciselé, que réchauffe ma paume,
S'anime lentement et d'étranges fantômes
Surgissent d'instants morts que je discerne mal.

Cette clé dont les ans ont bruni la matière,
Quels gonds mystérieux a-t-elle fait mouvoir ?
A-t-elle refermé les grilles de l'espoir ?
A-t-elle ouvert-la porte au captif qu'on libère?

Cette clé du passé qui palpite en ma main
Mon coeur l'a reconnue une seconde brève.
Elle fera jouer la serrure du rêve :
Cette clé du passé, c'est la clé de demain.

 


LE SANG DES ROSES

Le sang des roses sur mes mains
A fait une tache écarlate,
Et je garde aux doigts les stigmates
D'un rêve au délicat parfum.

Le sang des roses de ton âme
A fait une tache à mon coeur.
Rien ne finit et rien ne meurt,
La flamme survit à la flamme.

L'amour, de pourpre éclaboussé,
L'amour se fige au creux des feuilles.
Entre mes paumes se recueille
Le sang des roses du passé...

 


LES SUPPLICIES

Guérirons-nous un jour? L'aube surgira-t-elle
De notre nuit sans rêve ? Et les grands peupliers
Ondoieront-ils sur l'eau comme de vastes ailes ?
Guériront-ils un jour tous ces suppliciés?

Les fauves asservis secoueront-ils leurs chaînes ?
Viendra-t-il cet instant des serments déliés ?
L'écho trahira-t-il le son des voix humaines ?
Guériront-ils un jour tous ces suppliciés ?

Entre nos doigts meurtris, laissons glisser le sable
Et s'épuiser nos coeurs au fil du sablier.
Inexorablement au sein des Incurables
Ils ne guériront pas tous ces supplicés.

 


LE MARCHAND DE VENAISON

Marchand de venaison, je hais votre étalage
Où les crimes de l'homme accrochent les passants.
J'ai détourné les yeux, mais l'horrible carnage
A laissé sur mon âme une tache de sang.

L'écureuil étendu sur votre marbre infâme
Ne jouera plus jamais au creux des noisetiers.
Il gît là, feuille morte au pelage de flamme.
Marchand de venaison, qui saura vous châtier ?

La biche porte au flanc une blessure brune,
Et j'ai vu l'agonie éternelle trembler
Au fond des grands yeux morts où traîne un clair de lune
Au fond des yeux j'ai vu danser des feux follets.

Cadavres familiers des meurtres inutiles,
Je voudrais être Dieu pour prendre entre mes mains
Vos membres torturés que la douleur mutile
Et vous offrir, guéris, à d'autres lendemains.

Je voudrais rallumer vos prunelles opaques,
Enlever cette rouille à vos flancs transpercés...
Je voudrais être Dieu pour renouveler Pâques
Et vous rendre la vie, ô mes ressuscités.

 


LE CABARET

Vous êtes venu là parce qu'il pleut dehors...
Et le clair tintement des coupes que l'on choque
A rythmé dans vos coeurs son chant de grelot d'or.
Vous êtes venu là, dans ce décor baroque;

Et le vieux piano, comme un monstre de bois,
S'accroupit en montrant ses dents jaunes qui grincent.
Des trémolos glacés s'envolent sous les doigts
D'un musicien pâle aux mains tristes et minces.

Vous êtes sans secours au milieu de ce bruit...
Seul, dans ces courants d'air saturés de fumée.
Et, sous le rougeoiement du cigare qui luit,
Vous ne discernez pas la peau flasque et fanée

De ce frère d'ennui, qui propose à vos yeux
Votre propre visage aussi bien qu'une glace.
Vous pensez qu'il fait triste et que dehors il pleut.
Déjà votre sourire est comme une grimace.

Ces murs où coulent, noirs, les cafards de l'oubli,
Cette cave sonore où ricochent les notes
Comme des cailloux ronds dans un ruisseau croupi,
Ce champagne doré qui ricane ou sanglote,

Vous voyez tout ceci d'un oeil indifférent;
Mais vous n'auscultez pas ce coeur énorme et vide
Qui bat au fond du verre et chantonne en mourant :
Vous attendez la fin de l'averse livide !

 


SAN MICHELE

Vous dormiez, San Michele, et l'on vous réveilla!
San Michele, tout blanc comme un rêve d'enfance,
Vous dressez sur le roc votre Ave Maria
Que la cloche muette emporte en son silence.

Le lézard se faufile entre les romarins
Et, sur l'envol léger des colonnes gothiques,
Passe, comme un soupir, la voix du vent marin
Qui peuple Anacapri de rêve et de musique.

Le Sphinx de granit rouge étire sur la mer
Son immobilité puissante et fatidique,
Tandis qu'aux murs blanchis l'eau-forte de Dürer
Reflète l'or dormant entre les mosaïques.

L'Hermès d'Herculanum et le Faune dansant
S'éveillent lentement sous les frêles arcades.
Le bronze vert s'anime et se teinte de sang
Ce n'est que le couchant que la nuit escalade!

Sainte Claire est debout près du Poverello.
Elle incline au-dessus de la vasque de marbre
Son profil florentin; et son reflet dans l'eau,
Comme un petit soleil, s'accroche aux doigts des arbres.

Vous êtes le repos, la halte où Dieu sourit,
San Michele tout blanc sous l'ocre des oranges,
San Michele tout blanc dans l'or d'Anacapri,
Vous dressez dans le ciel vos grandes ailes d'Ange.

 


CIEUX

Nous avons d'autres cieux, ce sont des cieux de brume
Dans lesquels nos espoirs montent à l'infini
Parsemant de frissons la nuit claire qui fume.
Vos rêves sont brillants, les nôtres sont ternis.

Et pourtant nous aimons notre cité malsaine !
Elle a vu s'éveiller notre premier amour
Et mourir lentement dans les flots de la Seine
Les espoirs noyés d'ombre et de sombre velours.

Nous avons d'autres cieux, ce sont des cieux de brume
Dans lesquels nos sanglots montent à l'infini,
Parsemant de frissons la nuit claire qui fume :
Vos rêves sont naissants, les nôtres sont finis.

 


POURQUOI JE SUIS POETE

Être poète, c'est aimer...
C'est aimer la beauté des choses,
L'éclair d'un regard dérobé
A deux prunelles vite closes
Sur leur mystère et leur secret...

Etre poète, c'est sourire
Au premier soleil du printemps.
C'est refuser de croire au pire,
C'est glisser à travers le temps
Comme un silencieux navire.

Etre poète, c'est offrir
Son âme aux vers que l'on façonne.
De brocart doré c'est vêtir
Les feuilles rousses de l'automne,
Ces blonds oiseaux qui vont mourir.
Etre poète, c'est surprendre
Une larme au bord de longs cils.
C'est voir au vent voler la cendre
Des souvenirs et des exils
Dans un tourbillon gris et tendre.

Etre poète, c'est rêver.
C'est aimer tout l'amour du monde.
D'un coeur éternel c'est river
Au rythme du sien les secondes.
Etre poète, c'est rêver. .

On est poète et l'on respire
Tous les bonheurs comme un bouquet.
Et de ce rêve qui s'étire
On ne s'éveillera jamais...


TUER LE TEMPS

Ce soir, je veux tuer le temps.
Mais il faut saisir le moment
Qui glisse, ironique et fugace...
Il faut clouer le temps qui passe.

Il faut l'assassiner de mots
En laissant au vieux piano
Le soin de bercer la musique
D'une âme trop mélancolique.

Ma plume rêveuse a mordu
De son bec dur le temps perdu.
Et le temps d'aimer agonise
Sur l'aile grise de la brise.

Hélas ! le crime est imparfait...
Le temps résiste à nos méfaits
Et si nous souffrons la torture,
C'est que le temps a la peau dure !

 


COPLAS

Je t'ai donné mon coeur, tu n'en as pas voulu.
Noyés de tant de pleurs, mes yeux ne t'ont pas plu.
Tu dis, voyant couler mon chagrin goutte à goutte
« Il pleut dans ton regard, comme il pleut sur la route. »

Ferme tes mains sur ma tendresse,
C'est un oiseau que tu retiens !
Voici mon coeur et ma jeunesse...
Garde mon coeur, rends-moi le tien !

Tes mains ont appris mon visage
En le caressant doucement,
Et tu retrouves mon image
Entre tes paumes, en dormant...

J'ai vu courir le long d'un pré
Un petit cheval égaré.
J'ai reconnu les cabrioles
De mon amant tendre et frivole !

Indifférent qui passes,
Mon coeur t'appelle en vain.
Mais tu poursuis l'espace
De ton rire divin.

Si ton coeur endurci
A l'amour se fermait,
Je te dirais merci
De te laisser aimer.

 


L'ELEPHANT DE BAUDRUCHE

L'éléphant de baudruche verte
Agitait au souffle du vent
L'ironique ballonnement
De ses flancs tendus et inertes.

Il était naïf et charmant
Et ses oreilles singulières
Faisaient deux taches de lumière
Autour du petit éléphant.

L'ongle pointu d'une fillette
Lui perça le ventre d'un trou.
L'âme fragile du joujou S'enfuit,
sans tambour ni trompette.
Il ne restait de l'éléphant
Que l'enveloppe imaginaire
Où tremblaient toutes les chimères
De la tendresse d'un enfant.

Le bonheur n'est que fanfreluche
Que gonfle un rêve transparent.
Un coup d'épingle nous le prend :
Le bonheur n'est qu'une baudruche !

 


DECOR

C'est l'heure... il faut que je m'en aille.
Mais oui, je reviendrai bientôt.
Attention ! ton mur s'écaille
Et le papier fait le gros dos !

Il faudrait réparer la porte
Qui ferme mal. Et puis aussi...
Mais, après tout, que nous importe ?
Tout n'est-il pas charmant ainsi ?

Pour abriter notre colloque,
Nous avons choisi le décor
D'une chambre qui tombe en loques,
Mais notre amour l'habille d'or !

 


LES DEUX JUNGLES

C'est l'heure chuchotante où la jungle s'endort.
Les grands fauves dressés dans les rayons de lune
Contemplent tristement les larges taches d'or
Que la nuit vient semer sur leur fourrure brune.

C'est l'heure du retour et le cirque ambulant
Reprend la route droite où s'alignent les songes.
Le clown a dépouillé son masque rouge et blanc
Et suit dans le miroir le jeu qui se prolonge.

C'est l'heure chuchotante où le cirque s'endort.
Derrière les barreaux de la sombre roulotte,
Aveuglés de tristesse et de paillettes d'or,
Le grand clown solitaire et le tigre sanglotent...

 


METEMPSYCHOSE

Je fus, un jour lointain, une panthère noire...
Comprends-tu maintenant pourquoi ton coeur a mal ?
Je fus le maigre fauve à la robe de moire,
Scintillante à la nuit d'un reflet automnal.

D'elle je n'ai gardé que la prunelle verte
Et de brusques sursauts de farouche animal.
Sur l'ennemi vaincu ma griffe s'est ouverte...
Comprends-tu maintenant pourquoi ton coeur a mal ?

Avec ma sombre soeur, Bagheera la panthère,
J'irai mourir un jour, fuyant mon idéal.
J'emporterai ton rêve et le mien, solitaires,
Comprends-tu maintenant pourquoi mon coeur a mal ?


NUIT D'EXIL

Les barrissements sourds des éléphants géants,
Mêlés au rythme lent du tam-tam chaotique,
Emportent sans répit par delà l'océan
Tous mes rêves baignés de l'ardeur des tropiques.

Les palmes que balance un souffle parfumé
Evoquent les cheveux d'une femme lointaine
Et l'ondoiement lascif d'un corps abandonné
Que bercerait l'écho d'invisibles fontaines.

L'odeur de ses cheveux, le parfum de sa peau,
Tout ce qui me rappelle un passé que j'expie
Revient au crépuscule immoler mon repos
Et j'aime ma torture et sa sombre magie.

La plainte du tam-tam se joint confusément
Au rythme de mon coeur, à l'écho de ma peine,
Tandis que traîne encore en la nuit qui descend
Le barrissement sourd des éléphants d'ébène.

 


LE NUBIEN

Ruelle sinueuse où le soleil oblique
Jetait de larges flaques d'or,
Je reverrai toujours le Nubien magnifique
Transfiguré par ton décor.

Il semblait s'envoler sur son cheval sans ailes
Vers un passé mystérieux.
Au galop de la bête il dressait sur la selle
Le torse d'ébène d'un dieu.

 


FES

Pas des chevaux de Fès, carillon des sabots
Dans le velours bleuté de la nuit marocaine.
Incisifs comme un fer jailli de son fourreau,
Vous tintiez sur le sol comme une porcelaine.

Entre les blancs remparts, votre grêle chanson
Retrouvait les accents des versets coraniques
Psalmodiés sans fin par les jeunes garçons
Accroupis sur le seuil de la ville interdite.

Pas des chevaux de Fès, tout vibrants des rumeurs
De la foule attardée aux Portes triomphales,
Vous sculptiez de vos fers l'étonnante pâleur
Où s'anéantissait la cour impériale.

Vous marteliez la nuit au rythme de mon sang.
Des étincelles d'or incendiaient vos traces
Comme pour jalonner d'un feu resplendissant
Le trot argent et mauve égaré dans l'espace.

 


MEDINA

Fontaine où l'eau jaillit en ruisseaux de cobalt,
Mosaïque où l'or coule...
Pavés où la poussière éparpille son talc,
Solitude des foules...

Lambeaux d'ombre zébrés de lumière de sang
Où monte un pied de vigne
Comme deux bras tordus dans un geste impuissant
Vers le ciel rectiligne.

Médina, Médina, j'entends chanter sans fin
L'appel de tes voix mortes.
Leur écho me poursuit : c'est un rêve défunt
Que ma mémoire emporte.

Fontaine où l'eau jaillit en ruisseaux de cobalt,
Mosaïque où l'or coule...
Pavés où la poussière éparpille son talc,
Solitude des foules...

 


RYTHMES

Rythme du coeur au premier jour,
Rythme du coeur devant l'amour.
Symphonie ocre de la flamme,
Tout est musique dans mon âme.

Cadence que danse un cheval,
Rythme des sabots de métal
Dans leur troublant fracas d'enclume.
Rythme des mots nés de la plume.

Rythme des sons et des couleurs,
Rythme du vent, ballet des fleurs
Au rythme brûlant de la sève,
Tout est musique dans mon reve.

Tout est musique et tout se tait,
J'entends le silence chanter.

 


MUSIQUE

La portée a tendu ses fils télégraphiques,
Et le vent qui frémit dans leur frêle réseau
Balance de son doigt tout un peuple d'oiseaux
Posés là par le dieu qui créa la Musique.

Notes claires du jour, notes sombres du soir,
Vous revêtez pour nous vos robes d'hirondelles.
Par votre fil léger vous devenez nacelles
Et nous restons captifs de votre envol d'espoir.

Nés de l'âme divine au premier jour du monde,
Les sons cuivrés de l'air reflètent dans leur eau
L'amour et la douleur, la joie et les sanglots,
Et l'instant s'éternise au sommet d'une ronde...

 


LA DANSE

A JOAQUIN PEREZ FERNANDEZ

Sous les pas martelés le rythme devient forme
Et la danse jaillit comme un épi de blé.
Un sanglot la secoue et, tel un astre énorme,
L'Art surgit sous les pas, de pourpre constellé.

Le danseur s'exorcise : il prend à la musique
Le vent de la pampa qui souffle entre ses doigts.
Et le parfum du vent sous les doigts élastiques
Devient forme à son tour dans un sillage étroit.

Bras déployés dans l'or des lumières factices,
Bras du semeur de rêve, étendus et raidis,
0 bras incandescents comme un feu d'artifice,
Ecartelés, vivants, que n'avez-vous pas dit ?

Vous chantez les matins des sommets bleus des Andes;
Vous chantez l'âpreté du sol péruvien,
Et votre amphore claire où les rythmes descendent
Ressuscite l'écho des accents indiens.

Plus fort que la douleur, plus grand que l'agonie,
Votre geste ancestral, suspendu dans les airs
Comme un lasso vivant, s'intègre à l'harmonie
Et se dresse, éternel, comme une fleur de chair.

(D'après un poème de Luis A. Caputi.)

 


SONNET AU CLAIR DE LUNE

(D'après la Sonate de Beethoven.)

A LUCIENNE DELFORGE

Clair-obscur où ruisselle en cascade la lune
Pour graver au velours de la voûte qui dort
Le miracle étoilé de milliers de clous d'or.
Encre pâle où la nuit trempe sa plume brune.

Halo bleu de la brume où rêve une fortune
Comme au fond de la mer sommeille le trésor
Des galions rivés à l'ancre de la mort.
Cendre blonde semée aux vagues de la dune.

Clair de lune, poème à la sérénité;
Lambeaux d'ombre où surgit une gerbe d'été
Qui retombe en versant ses étincelles d'ambre.

Clair de lune, zébré de rousseur comme un fruit,
Ton étoile clouée agonise et se cambre,
Ballerine infinie au grand bal de la nuit.

 


DON JUAN

(D'après le poème symphonique de Richard Strauss.)

Je suis le Maître de l'Amour.
Je suis le Maître et dans mon rire
Il passe un peu de la douceur du jour.
Je suis le Maître du navire.

Je suis le meilleur et le pire :
Un homme amoureux du moment
Dont l'arme triste est le sourire
Quand il fait des gestes d'amant.

Je suis un homme... Don Juan.
Semeur d'amour et de caresses,
Je rêve d'un rêve mouvant.
La vie est à moi qui me presse.

Aimer, aimer, aimer sans cesse !
Bondissant d'un coeur contre un coeur,
Je n'ai vraiment qu'une maîtresse
Etrange et noire, ô ma douleur !

Je cherche dans la femme en fleurs,
Sous la peau tiède qui m'enchante,
Le silence sous la pâleur,
La tendresse à travers l'amante.

Je cherche la note émouvante
Qui décidera mon retour
Au seul pays qui me tourmente,
Ombré de jade et de velours.

Je suis le Maître de l'Amour
Et je meurs sans le reconnaître.
Quel masque porte-t-il au jour
Pour se dérober à son Maître ?

Je meurs victime de mon être,
Je meurs pour renaître toujours
Du rire étrange qui pénètre
Mon âme morte sans amour...

 


SONNET A MOZART

Il neige, cette nuit, des notes de Mozart.
Et la musique tombe en flocons éphémères,
Striant de diamants le chant qui s'exaspère
Sous le soleil factice et les riches brocarts.

Il neige, cette nuit, des souvenirs épars.
Il neige lentement des accords de lumière
Où voltigent les sons d'un pays sans frontière,
Domaine de l'oubli, de l'amour et de l'art.

Musique tour à tour gaie ou mélancolique,
Une âme a fait de toi l'immense basilique
Aux -reflets bleus de neige, argentés des sapins.

C'est le chant des oiseaux et d'une cascatelle
Qui murmure à la nuit son message divin.
Il neige du Mozart en notes immortelles.




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