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ALCARAZAS

Editions des archers 1957

 

Illustrations : Hélène Perdriat

 


ALCARAZAS

Que m'importe le feu qui dévore le monde
Que m'importe la flamme où se tord mon amour,
Puisque mon âme sait demeurer fraîche et blonde
Sous la caresse rouge et le vol du vautour !

Mon âme est enfermée en sa tour de silence
Et, si le feu du ciel calcine les hauts murs,
Il n'atteindra jamais la captive qui pense,
Inclinée aux créneaux de ses horizons purs.

L'alcarazas poreux retient dans son argile
L'eau vive de l'Espagne et mon âme d'enfant.
Que m'importe le feu qui dévore la ville,
Puisque je porte en moi la fraîcheur du torrent !

 


IL N'Y A PLUS DE PYRÉNÉES !

Il n'y a plus de Pyrénées...
C'est donc là-bas que je suis née !
Puisque j'ai le choix du versant,
Je vais où palpite mon sang;

Et l'humble goutte catalane
Menace de rompre les vannes !
Elle est unique et cependant
Dans mes veines parfois je sens

Le sang espagnol qui repousse
Le sang français d'une secousse
Sans cette goutte mise en trop,
Aimerais-je le flamenco ?

Et ce goût de la contrebande
D'où vient-il, je vous le demande ?
Et cet amour immodéré
Du mystère, de l'éthéré ?

Ces chants qui peuplent mon oreille,
C'est mon Espagne qui sommeille.
Elle est pelotonnée en moi
Et quand je caresse du doigt

Ses côtes de rocs, ses églises,
Elle ronronne et s'électrise.
Dans un furtif déroulement
Je vois surgir, cheveux au vent,

Une flexible silhouette
Dans le rire des castagnettes.
Puis les pas s'éloignent bientôt
Et j'entends alors les sabots

D'un taureau noir dans la poussière.
C'est mon Espagne tout entière
Qui jaillit des naseaux fumants.
C'est elle qui rougit le sang

Du grand taureau sous l'estocade.
C'est mon Espagne qui s'évade...
Mes ancêtres sont nés là-bas,
Au bord de la Costa Brava.

Figueras fut leur citadelle
Et donne à mon rêve ses ailes.
Je n'ai pas vu le jour, hélas !
Près des marais d'Ampurias.

Mais j'ai senti, que Dieu me damne,
Mon coeur qui dansait la sardane !
Est-il espagnol ou français Ce coeur qui bat ?
Yo no lo sé.

Mais la Catalogne ingénue,
C'est la France qui continue !
Laisse perler ton vif argent,
Goutte de mon sang catalan !

C'est bien là-bas que je suis née :
Il n'y a plus de Pyrénées !



SIERPÈS

Où vont-ils tous les Sévillans,
Tous les Sévillans nonchalants ?
- Fleuve qui roule sa paresse
Avec une lenteur d'altesse ! -

Ils vont, portés par le hasard,
Dans une ruelle sans art
Qui doit à la foule son âme
Et son roucoulement de femme.

Ils vont musarder à Sierpès,
Savourer un doigt de Jérez
Et regardent marcher Séville
Sur les talons hauts de ses filles.

Ils vont ... où tout le monde va !
Et quand ils sont arrivés là,
Fatigués de porter leur sève,
Certains s'endorment sur leur rêve !

 


CHANT FUNÈBRE POUR FEDERICO GARCIA LORCA

Poignets liés de chanvre dur,
Federico voici le mur.
Dans le matin ton ombre est raide
Et ta jeunesse la précède.

La mort enlace le poteau,
Ay, Ay, Federico!

Les premières lueurs de mort
Piquent leurs flèches sang et or
Entre tes paupières blessées.
Déjà, ta voix est dépassée.

La mort enlace le poteau,
Ay, Ay, Federico!

Des fusils t'attendent là-bas,
Federico Garcia Lorca !
Les forges des gitans t'appellent,
C'est ta légende qu'ils martèlent !

La mort enlace le poteau,
Ay, Ay, Federico!

Grenade s'éveille en piquant
A ses cheveux un jasmin blanc.
Elle tissera ton suaire
Avec les fils de la colère !

La mort enlace le poteau,
Ay, Ay, Federico !

L'aube s'avance et clôt tes yeux.
La salve éclate jusqu'aux cieux.
Federico, blanc comme toile,
Ils ont cloué ton front d'étoiles !

La mort enlace le poteau,
Ay, Ay, Federico !

 


LE SANG DES OLIVIERS

Le sang des oliviers a coulé sur la terre.
O Majorque, mon île au parfum d'orangers,
J'ai cueilli ton sourire aux branches éphémères
Et ton coeur a battu sous mes doigts étrangers.

Le sang des oliviers a coulé de mes veines
A l'heure où le soleil incendiait la mer.
Je suis blessée à mort et Majorque m'entraîne,
M'enchaîne à ses sommets, me rive à ses pins verts.

Le sang des oliviers, faites qu'il me ramène
A l'île du sourire, entre les rochers bleus !
Ici les coeurs sont purs, les étreintes sereines.
Y vivre, je ne puis; y mourir, je le veux !

 


LE VIEUX MOULIN

Vieux moulin où le vent s'attarde et vient poser
Ses doigts sur tes guitares,
Moulin des Baléares,
Est-ce toi qui donnas à mon coeur un baiser ?

Vieux moulin, prisonnier du flanc de la colline,
Prométhée attaché
Au sol bleu des rochers,
Etait-ce bien ta voix qui chantait ces comptines ?

Vieux moulin dont rêva Don Quichotte autrefois,
Doux porteur de légende,
Dans un geste d'offrande
Tu m'as donné le chant de ton âme de bois.

Vieux moulin solitaire avec tes bras de toile
Que le temps a pliés,
Près de toi j'ai prié...
Sous le ciel du printemps, j'ai cueilli des étoiles !

 


LES GROTTES DU DRACH (MANACOR)

De l'eau verte et figée aux entrailles du sol
Une forêt de pierre, un jour, a pris son vol.
L'air, chargé de silence, a dressé les colonnes
De cette cathédrale où nulle voix ne sonne.

Des bras pétrifiés retiennent leur élan;
Un dragon ténébreux se déchire le flanc;
Et le vol d'un oiseau s'éternise aux ogives
De ce temple muet aux lumières d'olives.

Alors, l'esprit s'évade et rejoint l'absolu.
Le Temps a fait ici tout ce qu'il a voulu.
Il a, dans le cercueil, posé le drap des noces,
Il a brisé l'évêque et dessiné sa crosse.

La Vierge sans l'enfant sourit : elle sait bien
Que le temps sortira de la pierre ce rien,
Cette absence qui pèse au creux de son épaule;
Que le temps lui rendra son enfant et son rôle.

Le château fort sommeille au coeur de la Cité.
Un murmure surgit de cette obscurité
Et le vaisseau fantôme a des archets pour rames.
Il passe, il est passé, porteur de mille flammes.

Était-ce un rêve étrange ou la réalité ?
La grotte s'illumine et les yeux de l'été
Se reposent au fond du lac peuplé de songes.
Dehors, il fait grand jour... Où saigne le mensonge ?

 


LES PETITS ANES MAJORQUINS

Les petits ânes majorquins
Ne sont pas des ânes rouquins.
Ce sont de petits ânes, gris
Comme le ciel de mon Paris.

Ce sont des ânes africains
Portant costumes majorquins.
Les "souvenirs" font à leur dos
Le plus chatoyant des fardeaux.

Un petit âne majorquin ?
Je n'en ai vraiment connu qu'un...
C'était un petit âne, gris
Comme le ciel de mon Paris.

 


LA BRANCHE D'ORANGER

La branche d'oranger, toute pâle d'amour,
A gardé la chaleur de tes mains entr'ouvertes,
Et mes lèvres ont bu le sang même du jour
En gouttes de rosée au creux des feuilles vertes.

Regarde, sur mon coeur, mourir leur volupté.
Viens respirer sur moi les fleurs du sortilège
Et mêle ton amour au feuillage enchanté.
La branche d'oranger a des larmes de neige.

 


LA RUE

La rue aux cent mille visages
Étire ses noeuds de pavés
Venus à nous du fond des âges
Avec leurs sillons délavés.

Parfois, les traces centenaires
Des chars traînés par les chevaux
Creusent leur ride entre les pierres,
Sourire usé des caniveaux.

La rue ouverte au coeur des villes
Abrite sous son manteau bleu
La blessure ocre de l'argile,
Nappe de bitume et de feu.

L'enfant s'amuse dans la rue.
Elle est son rêve et son palais,
Sa chimère et l'île inconnue,
Son empire et son feu follet.

Au ruisseau s'enhardit la voile
Que gonfle le souffle enfantin.
Ses phares, ce sont les étoiles,
Et son paradis, le matin.

La rue est le théâtre d'ombres
Où se tient l'éternel décor
De la pièce aux acteurs sans nombre,
Jeu de la vie et de la mort.

La rue aux cent mille visages
Etire ses noeuds de pavés
Venus à nous du fond des âges
Avec leurs sillons délavés.

 


PLACE DU TERTRE

Place du Tertre, oiseau qui chantes sur Paris,
Éclaboussure d'âme où tous les paradis
S'offrent comme une fille ardente et dévêtue
A tous les coins de rues !

Le poète et le peintre, accoudés à ton ciel,
Sentent tourner en eux le même carrousel
Et le même démon fait naître leurs orages
De couleurs et d'images.

Les pavés de tes nuits peuplés de chats errants
S'éclairent sous la lune, et des fantômes blancs
Retiennent le poète et le peintre qui passent,
Courbés sous leur besace.

Car l'ombre des plus grands revit sur chaque mur
Et la flamme des nuits nous les conserve purs
Ces dieux qui sont humains parce qu'on les adore
Et qu'ils portent l'Aurore !

Place du Tertre, étoile accrochée au fronton
D'un Paris de province aux maisons de carton,
Si ton coeur ne chantait au fond de chaque verre,
Qui te boirait, chimère ?

 


PARIS

Paris, mon prince roux, enrubanné d'automne,
Tu regardes Paris d'un oeil que rien n'étonne
Dans le mouvant miroir que la Seine te tend.
Aux arches de tes ponts, tu captures le Temps.

Paris, mon prince roux, amant que rien ne lasse,
Allongé sur les quais où les péniches passent,
Les cloches dans tes doigts deviennent des grelots...
Comme un collégien, tu fais des ronds dans l'eau !

 


L'OISEAU DE FEU

Un jour, l'oiseau de feu traversa les espaces.
Il portait sur le cou des gouttes de soleil
Et dans le ciel d'été son vol était pareil
A l'étoile filante, au coeur des nuits, qui passe.

J'ai répété pour lui mon geste d'oiseleur
Et sur mon doigt tendu - corde pâle qui vibre -
Tous les petits soleils, posés en équilibre,
Ont suspendu le vol de leurs ailes en fleurs.

J'ai caressé longtemps l'étincelle divine
Palpitante de vie et d'amour qui renaît
Et lorsque le sommeil m'a prise dans ses rêts,
Le frêle oiseau de feu dormait sur ma poitrine.

 


LA CAVALE

Sans bride, sans mors et sans éperons,
La cavale ardente à la peau jaspée
Abandonne au soir son profil d'épée,
Un insecte d'or cloué sur le front.

Un homme a dompté la cavale fière.
Il a dû meurtrir de ses éperons
La peau de ses flancs et son ventre rond,
Mais il a baisé la folle crinière.

Il a pris sa bouche, et des coins d'acier
Ont criblé son corps de mille cigales.

Je veux être aussi l'ardente cavale
Entre les genoux de mon cavalier !

 


ATTENTE

Les herbes ont frémi. Le chant des oiseaux bleus
S'est brisé tout à coup, cisaillé par l'angoisse.
Le singe a suspendu son rire douloureux.
Les herbes ont frémi sous le pas qui les froisse.

Serpent truffé de nuit, on la voit se glisser,
Onduleuse, légère, entre les paquets d'ombre.
Le velours de son corps est de soleil tissé
Où l'encre des zéros ruisselle en flaques sombres.

Soudain, elle s'arrête. Un bâillement d'ennui
Qui fait trembler la jungle étire sa mâchoire.
On attend... Qui sera sa victime aujourd'hui ?
Quelle chair subira sa morsure d'ivoire ?

Quel regard connaîtra l'appel de son regard,
Pupille rétrécie au coeur de l'émeraude ?
Quel flanc transpercera sa griffe comme un dard ?
Tout se tait et l'on sent, déjà, la mort qui rôde.

Elle a suivi longtemps son chemin fabuleux,
Froissant l'herbe brûlante au crissement de soie.
Mais l'éternelle soif dort au fond de ses yeux.
- Je suis cette panthère et j'attends une proie ! -

 


JARDIN DES OUDAYAS

Jardin des Oudayas, accroché sous le ciel
Comme un fruit merveilleux que l'onde grise berce...
L'Arabe indifférent dans une tasse verse
Le thé couleur de miel.

Nous sommes seuls, tous deux, au jardin des délices.
Un vieux sage sourit en nous voyant émus
Devant l'exquis désordre aux parfums inconnus
Où s'ouvrent les calices.

Le crépuscule tombe en flaques de couleurs
La pourpre des oeillets devient incandescente
Et l'Arabe, figé dans sa tranquille attente,
Semble veiller les fleurs.

Il est assis, bien droit, sur la marche de pierre
A l'ombre d'un feuillage aux reflets violets.
Il égrène sans bruit entre ses doigts pliés
L'ambre de la prière.

Mais le jour et la nuit dans un grand corps à corps
Font surgir du jardin où tournent les phalènes
Les créneaux éclatants de la ville indigène,
Plantés comme un décor.

Le jardin sous le ciel étincelle de gemmes
Comme un collier de lune autour de notre amour.
Verrai-je se lever l'aube d'un autre jour ?
Qu'importe! puisque j'aime...

 


CANTATE EN SI MINEUR

Si je n'étais pas moi, ce sphinx aux deux visages,
- Celui que tu connais et puis l'autre, secret -
Si je n'étais pas moi, venus du fond des âges
Tes doigts de jeune dieu sauraient me recréer.

Si tu me connaissais telle que je suis faite,
Si ton coeur pouvait voir sous mon masque les traits
Du véritable moi qu'en silence je fête
Aimerais-tu les yeux de ce nouveau portrait ?

Tu n'as jamais osé déchiffrer le mystère
Lové contre ce front que tu ne franchis pas.
Si tout à coup, pour toi, je cessais de me taire,
Poursuivrais-tu la route où s'impriment tes pas ?

Si je pouvais te dire : "Il ne faut pas me suivre.
Retourne d'où tu viens, mon chemin s'est perdu,
Et mes étoiles d'or m'ont désappris à vivre."
Si je te le disais, m'accompagnerais-tu ?

Si, penché sur mon rêve, il fallait que tu lises
Le miracle d'amour qui rayonne en ma chair,
Aveuglé par l'éclat de sa lumière grise
Saurais-tu reculer aux portes de l'enfer ?

Je fermerai les yeux de mon sphinx éphémère
Pour épargner aux tiens l'ultime cécité.
Regarde ton mirage et crois en ma chimère :
Si je ne t'aimais pas, aurions-nous existé ?

 


EST-CE UN PÉCHÉ ?

Est-ce un péché, dis-moi, de vivre tout entière
Entre tes bras fermés ?
D'apprendre sur ton corps les délices premières ?
Est-ce un péché d'aimer ?

Est-ce un péché, dis-moi, de laisser mes mains libres
Découvrir les secrets
Qui font vibrer ta chair en ses lointaines fibres
Comme sous un archet ?

Est-ce un péché, dis-moi, que de boire ta bouche,
Mon eau de volupté ?
De trembler de plaisir lorsque ta main me touche
Et que la nuit se tait ?

Est-ce un péché, dis-moi, de t'offrir ma jeunesse
Et mon rire léger ?
D'attendre éperdument qu'une autre nuit renaisse
Pour nous y replonger ?

Est-ce un péché, dis-moi, de m'ouvrir à tes lèvres
Ou de me refermer,
Et d'accomplir en nous un chef-d'oeuvre d'orfèvre ?
Est-ce un péché d'aimer ?

 


LE DOUBLE

Il est en moi quelqu'un qui fait ce que je fais
- Un double refoulé tout au fond de moi-même
Qui pleure quand je pleure et qui rit quand je vais
M'attarder à penser que j'aime et que l'on m'aime. -

Une chaude présence habite mes instants,
Allumant le désir sur ma trame de soie,
Et fredonne en mineur avec l'alto du vent
Le souvenir qui dort au plus clair de ma joie.

Il est en moi quelqu'un qui me suit pas à pas
Dans la jungle des lis et de la mandragore.
Il est en moi quelqu'un que je ne connais pas,
Un peu de nuit qui traîne au front de mon aurore.

 


CHANDELLES

Il fait sombre, mon coeur; les chandelles s'éteignent
Près du rêve mort-né que le jour a fait fuir.
Tu l'as porté longtemps, ce pauvre amour qui saigne,
Et, comme un enfant blond, le rêve a dû mourir.

Il fait sombre, mon coeur; les chandelles sont mortes.
Au fond de ma poitrine un rêve s'est figé.
Inexorablement se referme la porte :
Les enfants blonds toujours meurent d'avoir aimé.

 


OFFRANDE

Je n'avais à t'offrir, au seuil de ton automne,
Que l'été de mon corps et mon coeur de printemps.
Je voulais, pour toi seul, emprisonner le temps
Au creux d'une anémone.

Je voulais t'apporter mes paradis d'enfant,
Tous mes bouquets de nuit cueillis à ton haleine;
Je voulais à ton cou de voyageur en peine
Suspendre mes instants.

Je voulais échanger mon rire d'alouette
Contre tous les sentiers qui sillonnent ton front,
Te donner mon aurore et, dans tes bras profonds,
Abandonner ma tête.

Je voulais, endormie aux accents de ta voix,
Que tu sois l'enchanteur de mes forêts d'enfance
Et que tes doigts peuplés d'amour et de silence
Se ferment sur mes doigts.

Mais tu n'as pas voulu que nos saisons renaissent.
Lorsque tu t'es enfui, loin de ma bouche en fleurs,
Quelque chose de chaud sommeillait sur ton coeur,
Et c'était ma jeunesse...

 


INCANDESCENCE

Vous avez pour l'amour un lit de cendres chaudes.
Vous avez, mon aimé, tout ce que je n'ai pas :
Des souvenirs d'extase et du rêve en maraude,
Au sable du passé des empreintes de pas.

Vous avez dans vos mains de grands battements d'ailes.
Vous portez, mon aimé, le même feu que moi.
Il brûlera les murs de nos deux citadelles
Et les décombres morts écraseront nos doigts.

Vos poignets sont cerclés de chaînes et de brumes.
Pourquoi se tendent-ils vers l'impossible été,
Vers cette incandescence où nos coeurs se consument ?
Il faut que cela meure avant d'avoir été.

 


THÉATRE

Théàtre...
jeux de lune, odeur crayeuse et fade,
Les trois coups du destin, le rideau qui s'évade
Sur les ailes de feu de sa robe de bal,
Théâtre
où le génie allume son fanal...

Qui nous dira, Théâtre, où se trouve le rêve ?
Est-il embusqué là, quand le rideau se lève,
Dans le parfum des fards et le secret des voix ?
Est-il assis au rang des fauteuils d'où l'on voit ?

Théâtre...
faux soleil où tournent les phalènes,
Quand tous les spectateurs suspendent leur haleine
Sur le drame qui roule au pied de ton décor,
Théâtre,
n'es-tu pas plus vrai que leurs remords ?

 


LES YEUX DE CHATS

L'eau glauque captive du puits
Qu'un souffle trouble et rend vivante,
L'eau glauque recueille la nuit
Des morceaux de lune qui chantent.

Les yeux de chats ont dans leur eau
Les clartés vertes des citernes.
Ils sont peut-être le tombeau
Que des rayons de lune cernent.

Il passe dans les yeux de chats
Des silhouettes étirées
Qui font songer aux dieux incas
Dressés dans leur brume dorée.

Regards de chats, abîmes d'or,
Plus profonds que le puits de pierre,
Vous êtes gardiens des trésors
Que l'ombre prend à la lumière.

Et le mystère des dieux morts
S'accoude au bord de la margelle.
Le passé plante son décor
Dans l'agate de vos prunelles.

L'eau glauque captive du puits
Qu'un souffle trouble et rend vivante,
L'eau glauque recueille la nuit
Des morceaux de lune qui chantent.

 


REGARD

Un regard inconnu s'est emparé du mien
Et, comme au bord d'un gouffre où mon âme s'élance,
Je me sens attirée au fond des yeux immenses.
Est-il d'ambre ou d'azur le regard qui me tient ?

Je ne sais... je chancelle et je cède au vertige
Qui rive aux yeux profonds l'attente de mes yeux.
Quel miracle naîtra de ce reflet des cieux
Où des lamelles d'or, impalpables, voltigent ?

Je voudrais m'échapper de cette prison d'eau,
Reprendre mon regard au voleur de mes rêves,
Briser le sortilège ardent qui me soulève
Et retrouver mes yeux libres de leur fardeau.

Mais la force d'acier m'accroche à deux prunelles
Que j'ignorais hier, que j'oublierai demain.
L'inconnu qui me prend dans son filet divin,
Sans avoir su mon nom, aura brisé mes ailes.

 


PETIT FRÈRE

O toi qui ne sais plus m'aimer,
Petit frère de mon enfance,
Où sont les aveux embaumés
Dont j'ai rêvé la confidence ?

Nous avons trop grandi tous deux
Pour reprendre aujourd'hui la trace
Que le Petit Poucet joyeux
Semait de cailloux et d'audace.

Nous avons perdu le chemin
Fleuri de rondes enfantines.
Ta main a délaissé ma main
Où sont nos manches de lustrine ?

Tendres écoliers du bonheur,
Nous avons suspendu la phrase
Qui devait ouvrir nos deux coeurs,
Mon petit frère aux yeux d'extase.

Enfant qui dors au fond de moi
Comme dans un berceau d'écume,
Infiniment je te revois...
J'entends grincer ton porte-plume

Sur le cahier où ton front blanc
Faisait une ombre à la grammaire !
Et je revois tes doigts tremblants
Réduire la craie en poussière !

Petit frère au rire aigrelet
Comme le goût des jeunes mûres,
Le temps d'aimer s'est envolé,
Il a chanté dans la ramure.

Faut-il regretter ce temps-là
Où tu m'aimais, mon petit homme ?
Les lauriers sont coupés, déjà.
Pomme d'api n'est qu'une pomme !

Aujourd'hui, nous sommes trop grands
Pour retrouver l'or des légendes.
Le bel amour au Bois Dormant,
Faut-il donc que je te le rende ?

Entre les pages de mes jours,
Il est là, léger, qui sommeille.
Et quand je te parle d'amour
C'est mon enfance qui s'éveille !



COLLOQUE

Tu m'as dit : "Sois sage." Pourquoi ?
Ma main tremblait entre tes doigts
Et j'ai senti dans le silence
Passer le spectre de l'enfance.

Tu m'as dit... Non, tu n'as rien dit.
Mais entre mes doigts engourdis,
Sur mes ongles que rien ne farde,
J'emporte un baiser qui bavarde !



PARTIR

Partir... partir plus loin... être toujours ailleurs!
Ne connaître qu'un ciel, mais respirer les fleurs
De tous les cieux du monde en une immense gerbe...
Partir, toujours partir et conjuguer le verbe !

Partir avec son double autre part ou plus loin,
Rouler sa vieille bosse au creux tiède du foin
Et cueillir un bleuet aux folles déchirures
D'un ciel toujours vêtu de rêve et d'aventures !

Partir... et revenir du bout de l'horizon,
Retrouver ses amours, son herbe et sa maison
Se rencontrer soi-même à travers une eau trouble
Et, la main dans la main, partir avec son double !

 


SI JE NE REVIENS PAS

Si je ne reviens pas du voyage inutile,
Il faudra me chercher dans la fraîcheur des bois,
A travers le parfum qui flotte sur ma ville
A l'heure où les errants te parleront de moi.

Si je ne reviens pas, cherche-moi dans l'andante
D'un concerto de Bach. Cherche-moi, j'y serai.
Je me ferai musique au coeur de ton attente,
Je me ferai petite au creux de ton regret.

Si je ne reviens pas de plus loin que la terre,
Tu me retrouveras dans le chant des oiseaux.
Si tu plonges tes yeux dans ceux d'une panthère,
Les miens te renverront des vertiges nouveaux.

Si je ne reviens pas, tu me garderas toute,
Plus belle, plus vivante, à l'ombre de tes pas.
Je serai la lumière où se baigne la route
Des errants de l'amour,
si je ne reviens pas...

 


VENISE

Je vous ai vus dormir, palais vénitiens,
- Rêveurs de marbre et d'or inclinés sur l'eau verte -
J'ai vu sur le Canal la main du Titien
Et son pinceau de nuit sur la ville déserte.

Ce chef-d'oeuvre liquide aux coloris de sang
Rejoindra les trésors de mon secret musée.
La lune dorera son cadre reposant
Et jouera sur le marbre et les pierres usées.

L'ombre de Desdémone ou de Casanova
Se penchera peut-être aux fenêtres gothiques.
Mais qui saura l'extase accrochée au trois-mâts
Que berce doucement la mer Adriatique ?

J'ai vu dormir Saint Marc sous l'aile des pigeons
Et le bronze du temps s'animer à l'Horloge.
J'ai laissé mon amour au bord de chaque pont
Et mon coeur aux créneaux du blanc palais des Doges.

 


EN ÉCOUTANT JOUER ROBERT CASADESUS

D'où viennent ces oiseaux, ces rossignols, ces merles,
Et ces cailloux d'argent que sculptent les ruisseaux ?
De quelle mer du Sud roulent toutes ces perles
Qui joignent leur magie au trésor des oiseaux ?

Il a suffi qu'un soir deux mains pâles s'envolent
Et recueillent l'été dans leur coupe de chair
Pour que les fleurs des sons entr'ouvrent leurs corolles
Où s'étaient endormis les oiseaux et la mer.

Et le miracle naît dans le frisson des ailes.
Les doigts peuplés de songe ont emprisonné l'Art.
On ne sait plus alors, tant la musique est belle,
D'où viennent ces oiseaux qui chantent du Mozart !

 


A HERBERT VON KARAJAN

Herbert von Karajan, enfant aimé des dieux,
A lui seul votre nom exige un hémistiche
Vous devez à la vie un nom mélodieux,
Moitié d'alexandrin qui dévore une affiche

Vous lui devez aussi votre rude profil,
La démarche du prince et l'ondoiement du fauve.
Vous devez au destin l'enchantement viril
Qui danse dans vos yeux. Sont-ils verts ? Sont-ils mauves ?

Ils ont l'éclat changeant que jettent les glaciers,
Avec un tourbillon de minuscules flammes.
L'ange et le diable ici sont réconciliés,
Ciel et eau réunis au sommet d'une lame.

Quand s'inclinent au vent les épis des archets,
Vous devez à votre art d'être le vent lui-même.
Vous prêtez votre souffle aux instruments muets,
Vous redonnez la vie aux plus grands des poèmes.

Vous devez au destin de savoir tour à tour
Être l'Allegro clair ou le sublime Andante.
Vous portez Vienne au front comme on porte l'amour
Et c'est Vienne qui valse au fond de votre attente.

Lorsque vos longues mains se ferment sur les sons,
Sur toute la Musique endormie en leurs ailes,
Quand le silence naît de leur dernier frisson,
Herbert von Karajan comme vos mains sont belles !




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